Un épisode qui marqua la France coloniale, et dans lequel périrent au total 160 personnes, en 1 816. 147 d’entre eux s’étaient embarqués sur une embarcation de fortune après moult tentatives de renflouement. Noyades, cannibalisme et mutinerie, les naufragés vécurent un véritable calvaire.
Avant de concrétiser son projet, Géricault entreprend de nombreuses recherches pour transmettre sur la toile tout le tragique de l’événement. Il a bien conscience que la réussite de son œuvre lancera sa jeune carrière dans la direction à laquelle il aspire.
Plongeant littéralement dans l’univers de ceux qui prirent la mer sur ce bateau de fortune, il rencontre même les deux survivants de l’histoire. Il visite les mouroirs et les morgues pour saisir le teint de ceux qui vont trépasser dans la souffrance et la privation.
Concentré sur son désir de création au plus proche de la réalité, Géricault s’attache à comprendre le phénomène de la rigidité cadavérique, emportant des membres humains dans son atelier pour observer leur décomposition. Un peintre obsédé par la transposition réelle.
Lorsqu’il l’expose pour la première fois, à Paris, en 1819, les polémiques vont bon train. Quelques mois plus tard, c’est à Londres qu’il prend une réputation sulfureuse et romantique. Il inspirera de nombreux artistes, par sa technique et la finesse de ses mises en scènes.
Lorsqu’il pense détenir la matière pour démarrer son œuvre, Géricault s’enferme, se rase la tête, se sustente lorsqu’il y pense, travaillant dans le silence total. Certains de ses amis lui servent de modèles, tout comme son jeune assistant. Il est complètement habité par sa peinture.
Le tableau figure l’instant où les 15 survivants voient approcher un navire venu les secourir. La taille de l’ouvrage accentue l’impression de réalité, offrant des silhouettes grandeur nature aux personnages. Certains sont vivants, d’autres réduits à l’état de cadavres, à moitié dans l’eau.
Les corps sont amoncelés de manière pyramidale, les morts juchant le socle du radeau. Le personnage qui semble le plus vivant, de dos, torse nu, est tourné vers le navire qui approche et secoue un linge en signe de détresse. Les uns s’accrochent aux autres.
Les visages expriment des émotions terrifiantes et le jeune homme sur le tonneau incarne l’espoir. Il est le seul susceptible d’être vu. Le fait qu’il soit métis dénote une volonté de l’artiste quant à la dénonciation des privilèges des colons, qui ont connu ici une aventure infernale.
Les morts sont positionnés dans des postures qui dévoilent à la perfection leur anatomie. Le plus près de l’observateur est à moitié dans l’eau, pour prouver le danger qu’elle représente, cette coulée vers l’abîme. La voile incarne la liberté, la délivrance et la vague le danger.
Le futur ne semble pas évident pour les survivants, tant la silhouette du navire sauveteur a du mal à être identifiée. Peut-être ne s’agit-il même pas d’un navire. Cette œuvre monumentale coupe véritablement le souffle de par son romantisme et son réalisme.
Gravida tempor dui, vel tempus tellus.